mardi 3 novembre 2009

"Petit délire sur une histoire vraie" par Clairette


Elle essayait en vain de se repérer dans l’espace. Ses yeux ne s’étaient pas encore habitués à l’obscurité.
Et pourtant je la voyais, moi qui étais assis dans le fauteuil face à la porte.
Rien que de la voir j’en avais des hauts le cœur.
Cherche l’interrupteur cocotte !
Elle était là, ridicule, les bras tendus. Je suppose qu’elle devait dire quelque chose, râler sûrement. Dans l’obscurité je ne pouvais pas lire sur ses lèvres, mais je riais intérieurement, après tout aujourd’hui je n’ai plus beaucoup de plaisir.
Je suis là, cloué pour toujours dans un fauteuil.
Il ya des gens comme ça qui n’ont pas de chance. J’aurais pu arriver dans ce monde, beau bébé, rieur, et je l’étais, mais un petit couac et je suis né difforme.
Mais je me suis fait une raison avec le temps, et puis un jour, j’étais déjà grand, je me suis trouvé pris au piège dans un immeuble où une bombe avait été posée. Quelle tuile !
Et cela m’a rendu sourd, elle est bizarre la vie.
Mais j’avais malgré tout conservé l’usage de mes mains, et croyez moi j’en profitais, je m’étais mis à dessiner avec fureur.
Je prenais plaisir à toucher le cul des filles qui passaient près de moi, on n’osait rien me dire. Le pauvre !
J’étais placé dans une institution spécialisée. Super ! Spécialisée en quoi ?
Et par-dessus le marché, depuis quelques semaines on m’avait collé, le soir, une espèce de mégère pour s’occuper de moi. Quelle emmerdeuse.
Dès qu’elle entrait dans la pièce, elle allumait le plafonnier sans se préoccuper de moi. J’aimais rester dans le noir, cela me reposait, mais elle ne l’avait toujours pas compris, ou faisait semblant.
J’ai donc décidé de supprimer toutes les ampoules de la pièce, à commencer par les trois lampes qui trônaient sur les guéridons, que j’avais bien entendu pris soin de déplacer, et pour finir ce fichu plafonnier, il m’en a donné du mal.
Une chaussure a fini par avoir raison de lui, cela m’amusait. Il y avait du verre partout, avec un peu de chance elle tomberait et se blesserait.
Elle ressortit et revint en me collant une lampe torche en plein visage. Elle vociférait :
« Et comment je vais faire pour changer les ampoules ? »
Qu’est-ce que j’en sais moi, débrouille toi ma vieille !
La vie ne m’avait pas gâté, pourquoi devais-je me préoccuper d’une ampoule, hein, je vous l’demande !

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